UN PATRIMOINE HISTORIQUE
Fondé en 1820, l’établissement de Haute-Boulogne
a un long passé carcéral.
Tour à tour bagne militaire, prison politique,
camp de prisonniers prussiens et lieu d’internement et de transfert pour les communards de 1871,
il devient une colonie pénitentiaire
pour jeunes détenus en 1880.
Le site de l’ancienne
“ colonie agricole et maritime ”
est particulièrement bien situé pour offrir à Belle Ile, un nouveau lieu patrimonial et culturel.
— UNE INSTITUTION ANCREE DANS SON EPOQUE
Les premières colonies pénitentiaires ouvrent leurs portes au milieu du XIXe siècle. Elles sont alors majoritairement dirigées par des entrepreneurs privés. Moyennant une aide financière de l’État, ils y assurent le redressement de délinquants mineurs en leur imposant le travail de la terre.
Au fil des décennies, les pouvoirs publics s’aperçoivent que l’unique formation agricole dispensée aux colons, qui sont majoritairement urbains, ne permet pas de les réinsérer à leur sortie. Surtout, les scandales relatifs à l’utilisation de main d’œuvre gratuite, aux violences et aux abus sexuels interpellent.
À partir de 1870, la IIIe République impulse un double mouvement. Elle fait tout d’abord fermer de nombreuses colonies privées dans le but de se réserver le droit de punir. En parallèle, elle ouvre des établissements publics aux formations professionnelles diversifiées.
C’est dans ce contexte que la maison de correction de Belle-Île-en-Mer ouvre ses portes.
Publique, maritime, agricole et industrielle, elle est parfaitement ancrée dans son époque. Les premiers pupilles débarquent à Haute-Boulogne le 1er juillet 1880.
— DES FORMATIONS PROFESSIONNELLES VARIEES
La colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer, qui est la seule à assurer une formation maritime dans le pays, fait la fierté de l’administration pénitentiaire française.
Les pupilles marins y sont à la fois formés à la théorie, au sein de l’école de matelotage, et à la pratique à bord des canots et des goélettes qui les conduisent parfois jusqu’au large de l’Espagne.
La ferme de Bruté, située à quelques kilomètres de Haute-Boulogne, accueille dès 1880 la section agricole de l’établissement. On y trouve des colons bûcherons, jardiniers, bouviers, vachers ou encore palefreniers.
La section industrielle, partagée entre les deux sites, propose à la fois des formations en lien direct avec la marine (corderie, mécanique) ou plus classiques (menuiserie, maçonnerie, cordonnerie).
Cette variété de formations se donne pour objectif d’assurer la réinsertion des pupilles dans la vie civile. Les méthodes employées par l’administration pénitentiaire dans l’institution ne facilitent cependant pas l’adhésion des pupilles à ce projet.
— RÉGIME MILITAIRE ET VIOLENCES EN TOUT GENRE
À Haute-Boulogne comme à Bruté, on marche au pas, on évolue au son du sifflet et on salue régulièrement le drapeau national.
L’institution est une petite caserne en puissance. Les gardiens, pour la plupart d’anciens militaires, ne sont pas formés à l’encadrement de jeunes détenus. Malgré les règlements, plusieurs d’entre eux violentent quotidiennement les pupilles. Ces derniers peuvent avoir entre 8 et 21 ans et proviennent essentiellement du Grand Ouest et des grandes villes du pays. Ils ont pour la plupart été jugés pour vol, vagabondage ou mendicité.
Entendant se substituer à leurs familles qu’ils jugent défaillantes, les pouvoirs publics les transfèrent en maison de correction pour plusieurs années.
Une fois sur place, les colons sont plongés dans un univers militaro-carcéral violent que l’éloignement du continent accentue. Physiques ou psychologiques, infligées par des gardiens ou des codétenus, les blessures contractées à Haute-Boulogne et à Bruté ne se referment jamais.
— APRES LA COLONIE
L’institution change de statut en 1927. Devenue Maison d’Éducation Surveillée, elle ne révolutionne cependant pas ses pratiques, preuve en est de la célèbre révolte de 1934 immortalisée par Jacques Prévert dans son poème "La chasse à l’enfant", qui entraîne une répression terrible.
En 1945, la colonie de Belle-Île devient un institut public d’éducation surveillée (IPES).
Les éducateurs font leur apparition et les méthodes évoluent.
En 1967, 80 jeunes sont encore enfermés à Haute Boulogne.
L’établissement ferme définitivement le 1er septembre 1977.